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Page:Lacerte - L'homme de la maison grise, 1933.djvu/86

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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

elle, en apercevant le jeune homme.

— Comment vous portez-vous, Catherine ? Et comment se porte tout le monde ici ? M. Jacques ?…

— Tout le monde est en bonne santé. Dieu merci, M. Ducastel ; mais M. Jacques est absent…

— Absent ? en voyage ?

— Oh ! non ! Absent de la maison seulement. Il y a une heure à peu près qu’il est parti, en compagnie de plusieurs hommes, pour se rendre à sa carrière, fit la servante en désignant l’arrière de la maison. Ce qu’il va être désappointé et peiné d’avoir manqué votre visite, vous qui venez si peu souvent ! Mais il ne doit y avoir rien qui vous presse, M. Ducastel, et vous pouvez attendre le retour de M. Jacques, n’est-ce pas ?

— Impossible ! dit Yvon.

— Si vous voulez entrer dans l’étude, je vais vous préparer un bon verre de limonade à la glace, reprit Catherine. Ce que vous devez avoir soif, par cette chaleur !

— Je ne refuserai pas la limonade, Catherine, répondit Yvon en souriant : de fait, je me meurs de soif !

Buvant sa limonade à petites gorgées et feuilletant journaux et revues, il s’aperçut bientôt que le temps avait passé assez vite. Il lui prit envie d’aller rendre visite à Mme Foulon ; bien sûr, elle lui parlerait d’Annette, de ses visites au Gîte-Riant, des rumeurs qui couraient la ville, etc., etc. ; mais il résista à cette tentation. D’ailleurs, pourquoi aller si loin ? Nul n’était besoin de sortir de la maison pour savoir, au juste, à quoi s’en tenir ; il n’avait qu’à interroger adroitement Catherine ; la vieille servante ne demanderait pas mieux que de parler, probablement. Cependant, il lui répugnait de prendre ces détours. Questionner une domestique en l’absence de son maître ?… Non, cela ne lui allait pas… Il eut préféré, et de beaucoup, avoir affaire à Lionel Jacques lui-même. Puisque celui-ci était absent, il attendrait au jour fixé pour le baptême de la cloche ; en cette occasion, ils seraient tous présents : lui, Yvon, Lionel Jacques… et Annette.

Regardant l’heure à l’horloge de l’étude, Yvon constata qu’il était quatre heures passé ; en partant immédiatement, il serait de retour à W… pour fermer son bureau, après avoir pris connaissance du courrier de l’après-midi.

Il appela donc Catherine, et lorsque la servante eut fait son apparition, il lui dit :

— Je ne puis attendre M. Jacques plus longtemps.

— Ce pauvre M. Jacques ! Quelle déception pour lui !

— Je serai ici pour le baptême de la cloche… Vous le savez, fit-il, pris soudain d’un irrésistible besoin de prononcer le nom de celle qu’il aimait, je dois être l’un des parrains, avec Mlle Villemont pour marraine ? M. Jacques vous l’a-t-il dit ?

— Oh ! oui, M. l’inspecteur, M. Jacques me l’a dit… Mlle Villemont aussi d’ailleurs.

— Vous l’avez vue dernièrement alors Mlle Villemont ? demanda le jeune homme, d’une voix qu’il parvint à affirmer.

— Oui… Je l’ai vue… souvent… Mlle Villemont est…

Mais Catherine se tut soudain, comme si elle eut craint de commettre une indiscrétion, et, inutile de le dire, n’est-ce pas, Yvon n’essaya pas à se renseigner davantage.

— J’ai oublié un livre ici, la dernière fois que je suis venu, se contenta-t-il de dire à la servante.

— Oh ! oui, M. Ducastel. Vous l’avez laissé sur votre bureau de toilette ; je l’ai mis dans le tiroir, afin qu’il n’attrappe pas de poussière. Je vais aller le chercher.

— Non, laissez faire, Catherine ; j’irai moi-même et j’en profiterai pour me faire un brin de toilette, avant de retourner chez moi.

— Très bien, M. l’inspecteur ! Vous trouverez des serviettes et de l’eau fraîche, que je viens de monter, tout à l’heure, répondit la servante, en se dirigeant vers sa cuisine.

En sortant de sa chambre, après avoir retrouvé son livre et s’être plongé la tête dans l’eau pour se rafraîchir, Yvon s’aperçut que la porte de la chambre qui lui faisait vis-à-vis était ouverte. C’était là que Catherine avait conduit Annette, lorsque celle-ci était venue passer une journée au Gîte-Riant (journée inoubliable pour notre héros…