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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

inoubliable aussi pour Lionel Jacques, se disait amèrement notre jeune ami).

Cette chambre… Annette avait dû l’occuper souventes fois, depuis… peut-être même était-elle désignée sous le nom de la jeune fille maintenant.

Sous l’effet d’une insurmontable tentation, Yvon posa le pied sur le seuil de la porte, puis, s’avançant de quelques pas il se mit à examiner la chambre… Au fond, était une grande armoire, qui devait servir de garde-robe, ou de lingerie… S’il entr’ouvrait seulement l’un des panneaux de cette armoire, que verrait-il ?… Patrice Broussailles avait-il dit la vérité ?… S’il n’avait pas menti, des toilettes d’une grande richesse, d’une grande beauté devaient y être suspendues…

D’un mouvement brusque (car il avait un peu honte de ce qu’il faisait) Yvon ouvrit l’une des portes de l’armoire… Il avait parfaitement conscience de commettre une impardonnable indiscrétion… Mais la tentation était trop forte et il voulait tant savoir à quoi s’en tenir !

Un cri s’échappa de sa poitrine ; l’armoire contenait de ravissantes toilettes, en soie, en satin, en velours, recouvertes de dentelles, qui lui parurent anciennes et qui devaient être hors de prix !

Sans trop s’en rendre compte, il remarqua les nuances de ces costumes ; il y en avait un bleu pâle, un autre rose, un autre gris perle, puis un autre encore tout de dentelle noire… Il y avait aussi des souliers en satin pour chaque robe ; ces souliers étaient ornés de boucles serties de pierreries…

À l’œil plus expérimenté d’une femme, ces toilettes eussent paru assez singulières. Les nuances d’abord : ce bleu, on n’en voyait que très rarement maintenant. Ce rose… peu de personnes auraient osé s’en vêtir… Quant à la mode… elle était tout à fait celle du jour ; mais les dentelles anciennes (précieuses, bien sûr) dont les robes étaient garnies leur donnaient une apparence un peu trop austère et décidément surannée… Tout de même, Annette, l’aveugle, avec sa taille élégante et svelte, devait avoir l’air d’une reine, lorsqu’elle portait ces toilettes ; même ce bleu… et ce rose… si difficiles au teint, devaient seyar à sa délicate et réelle beauté de blonde.

Refermant sans bruit la garde-robe, Yvon s’approcha d’un petit guéridon, sur lequel il venait d’apercevoir des boites de différentes formes, recouvertes de velours violet… Des écrins !…

Ouvrant l’un des écrins, il vit un collier de perles et de diamants, dont les reflets l’éblouirent ; un autre écrin contenait un bracelet serti, lui aussi de perles et de diamants, puis une épinglette, des pendants d’oreille et des bagues ; des joyaux enfin qui, pour se servir de l’expression de Patrice Broussailles, « feraient l’envie d’une princesse royale ».

Ainsi, c’était donc vrai ! Annette était la fiancée de Lionel Jacques, et Yvon Ducastel, celui qui l’aimait si éperdument, venait d’examiner le trousseau de la future mariée !…

Fou de douleur, il sortit précipitamment et se dirigea vers l’escalier descendant au premier palier ; pour ce faire, il passa devant la chambre à coucher de Lionel Jacques. La porte étant ouverte, il y jeta machinalement les yeux… Ce ne fut qu’un simple coup d’œil, mais il avait suffi pour lui permettre de voir, dans un cadre doré, placé sur une table, un portrait : celui d’Annette !… Oui, c’était bien elle, avec ses cheveux d’or, ses yeux bleus, ses traits délicats, son teint légèrement rosé !… Alunite !… La fiancée de Lionel Jacques !… Tout parlait d’elle, au Gîte-Riant, tout !…

Attendre le retour de M. Jacques ?… Le questionner ?… À quoi bon ?…

Yvon le comprenait bien maintenant, il n’y avait plus d’espoir possible pour lui… et son cœur était brisé !


Chapitre XIII

PARRAINS ET MARRAINES


On était au 29 juin, jour fixé pour le baptême de la cloche d’église de la Ville Blanche.

Annette s’était rendue directe-