Page:Lachatre-Histoire des Papes. Vol 2.djvu/18

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e de Liége adressa cette réponse au saint-siége : « En vain nous avons fouillé tous les textes des saintes Écritures et des Pères ; nous n’avons trouvé aucun exemple d’un commandement semblable à celui que vous nous envoyez. Nous avons appris au contraire dans ces livres sacrés que les papes ne peuvent sans examen lier ni délier personne : d’où vient donc cette nouvelle loi au nom de laquelle vous condamnez un chrétien à expier dans les supplices une erreur dont il n’est pas même convaincu ? D’où vient au saint-siége le pouvoir de commander un meurtre comme une œuvre méritoire dont la sainteté effacerait non-seulement les crimes passés, mais encore donnerait à l’avance l’absolution des incestes, des vols et des assassinats ? Commandez de tels crimes aux infâmes sicaires de Rome ; quant à nous, nous vous refusons obéissance !

« Existait-t-il autrefois dans l’ancienne Babylone une confusion plus horrible que ce mélange monstrueux de barbarie, d’orgueil, d’idolâlrie et d’impuretés qui règne aujourd’hui dans la ville sainte ? Hélas ! déjà se sont réalisées ces paroles de l’Apôtre : « Une vision épouvantable, venant d’une terre horrible, frappe mes esprits ; je vois s’élever de Rome un tourbillon impétueux qui bouleverse le monde, et dans lequel le prince des ténèbres s’agite avec ses infernales cohortes !... »

Malgré la courageuse fermeté de l’évêque de Liége, l’infortuné roi de Germanie ne put se soustraire à la vengeance pontificale ; il mourut empoisonné par les agents du saint-père, pendant que son fils assiégeait la ville. Les Liégeois n’ayant plus à défendre l’empereur, et redoutant les horreurs d’un siège, envoyèrent des députés au camp de Henri pour lui annoncer la mort de son père et lui faire leur soumission. Ce monstre osa exiger que le corps du vieux roi fût livré au bourreau pour qu’on lui fît subir les supplices effroyables portés sur la sentence rendue par le pontife ; et après avoir commis cet horrible sacrilège, il ordonna que les lambeaux du cadavre seraient déposés dans un sépulcre de pierre qui resta pendant cinq ans devant le parvis de la cathédrale, avec cette inscription : « Ci-gît l’ennemi de Rome. »

A cette époque, des bandes de pillards parcouraient les provinces de la Gaule, tantôt sous la conduite de seigneurs ruinés, tantôt sous les ordres d’aventuriers sans famille ; et souvent même sous le commandement de moines débauchés qui avaient été chassés de leurs monastères. On raconte que le fameux Robert d’Arbrissel commandait une de ces troupes, lorsque, frappé par une inspiration du ciel, il résolut de cesser eette existence de crimes et de se retirer dans une pieuse retraite avec les hommes et les femmes de sa bande, pour vivre du travail de leurs mains. Il fit partager ses sentiments à tout son monde, et s’arrêta à l’extrémité du diocèse de Poitiers, à deux lieues de Cande en Touraine, près d’un ravin inculte, couvert de ronces, et qu’on appelait Frontevrault. D’abord il fit élever des cabanes et une chapelle ; ensuite il défricha les terres ; et lorsque la jeune colonie eut pris de l’accroissement, Robert sépara les hommes d’avec les femmes, destinant les unes à la prière et les autres au travail des champs. Cependant il leur permit de conserver des relations intimes les dimanches de chaque semaine : telle fut l’origine de la célèbre abbaye de Fontevrault. Pascal confirma la fondation de cet établissement, ainsi que la règle qui permettait à cette multitude d’hommes et de femmes de vivre dans la même enceinte.

Au commencement de cette année, le saint-père résolut de parcourir l’Italie, la France et l’Allemagne, afin de consolider sa domination sur ces trois royaumes. Il se rendit d’abord à Florence, où il convoqua un concile pour se faire attribuer les droits de régales de cette Église ; mais l’évêque de cette ville fit échouer ses espérances en soutenant dans l’assemblée, en présence du pape et d’une foule de prêtres et de laïques, qu’il avait eu une révélation, et que Dieu l’avait instruit que l’Antechrist était né et qu’il voulait s’emparer du trône de l’Église. Cette opinion, par l’application qu’on en faisait au pape, souleva un tumulte si violent, qu’on ne put ni décider la question ni terminer le concile ; et Pascal fut obligé d’abandonner Florence, pour éviter d’être lapidé par le peuple. Le saint père se rabattit alors sur la Lombardie, et tint un synode général à Guastalla : on décréta que la province entière d’Émilie, avec les villes de Parme, de Modène, de Plaisance, de Reggio et de Bologne, ne serait plus soumise à la métropole de Ravenne, qui ne conserva que la Flaminie.

Pascal voulait ainsi diminuer l’influence de l’archevêché de Ravenne, dont les titulaires, depuis deux cents ans, s’étaient continuellement montrés hostiles à l’Église romaine. Le concile renouvela les censures prononcées contre les laïques, qui prétendaient avoir le droit de donner l’investiture des bénéfices ecclésiastiques. Ensuite les députés du roi Henri V jurèrent au pape fidélité et obéissance filiale au nom de leur maître, et demandèrent que sa Sainteté lui confirmât authentiquement la dignité d’empereur.

De Guastalla, le pontife se rendit à Parme, où il consacra la cathédrale de cette ville en l’honneur de la Vierge, d’après l’invitation des citoyens ; lorsque la cérémonie fut achevée, il déclara la nouvelle Église dépendance du saint-siége, et la vendit au cardinal Bernard, prêtre cruel et sodomite, qui était en exécration dans toute l’Italie. Enfin Pascal prit la route de la Bavière, où il était attendu pour les fêtes de Noël ; mais ayant été instruit dans sa route que le peuple n’était pas disposé à confirmer les décrets contre les investitures, et que l’empereur n’était pas aussi docile qu’il l’avait laissé paraître, il changea tout à coup de résolution, et se dirigea vers la France, se contentant d’instruire Henri par une simple lettre de son nouveau projet, et lui disant qu’il se rendait en France parce que la porte de l’Allemagne ne lui était pas encore ouverte.

Le saint-père, arrivé au monastère de Cluny avec une suite nombreuse d’évêques, de cardinaux et de seigneurs romains, trouva le comte de Rochefort, sénéchal du roi de France, qui lui était envoyé pour le conduire dans tout le royaume. Après avoir visité les couvents de la Charité et de Saint-Martin de Tours, Pascal se rendit à Saint-Denis, où il fut reçu avec de grands honneurs par l’abbé Adam, qui gouvernait alors cette abbaye ; il fit son entrée, revêtu des ornements pontificaux et la tiare au front, au