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lui une sentence de déposition quoiqu’ils eussent reconnu son innocence. L’archevêque de Bénévent, indigné de tant de lâcheté, se leva de son siège, arracha ses vêtements sacerdotaux, et sortit du concile en chargeant le pape d’imprécations.

Quelques mois après, Conon, évêque de Palestrine et légat de l’Église romaine, convoqua à Beauvais un synode dans lequel on excommunia Henri. Cette nouvelle bulle fut confirmée par un grand nombre de seigneurs et de prélats allemands réunis à Cologne sous la présidence de Thierri, cardinal légat. Le roi, irrité de cette manifestation inconvenante envoya l’évêque de Wurtzbourg avec ordre de dissoudre le concile, et de poursuivre comme rebelles ceux qui refuseraient de sortir de Cologne à l’instant même. Cette mission eut un résultat déplorable ; le synode refusa de recevoir l’envoyé du souverain excommunié, et rendit un décret qui déclarait anathématisés et interdits tous ceux qui demeuraient au service du prince ; l’ambassadeur, effrayé, abandonna lui-même Cologne, sans oser reparaître à la cour. Cependant la crainte de perdre son évêché le détermina à se rendre auprès du prince, et il célébra encore une fois la messe en sa présence ; mais dès le lendemain il en éprouva un si grand remords** qu’il s’enfuit de la capitale.

Henri, redoutant les conséquences d’un anathème sur l’esprit superstitieux de ses peuples, revint en Italie à la tête d’une armée qu’il fit camper dans les environs de Pavie ; néanmoins, avant de reprendre les hostilités, il voulut tenter encore la voie des négociations, et députa au pape le célèbre Pierre, abbé de Cluny. Pascal convoqua son clergé en concile au palais de Latran, pour répondre à l’ambassadeur. À l’ouverture de la séance, le saint-père prit ainsi la parole : « Nous vous avons fait venir, mes frères, à travers les plus grands périls, par mer et par terre, pour traiter de la paix de l’Église et du trône. D’abord nous déclarons en votre présence que c’est pour délivrer la ville sainte des pillages, des incendies et des massacres excités par les soldats barbares du roi de Germanie, que nous avons signé un traité condamnable ; nous avons commis cette faute parce que le pontificat ne donne point le privilège d’infaillibilité, et parce qu’un pape est composé de poussière comme les autres hommes. C’est pourquoi nous vous supplions tous de prier Dieu qu’il nous pardonne cette action ; et nous anathématisons avec vous cette bulle infâme, dont la mémoire doit être odieuse à tous les chrétiens. »

Ensuite le pape renouvela le décret de Grégoire VII, qui défendait les investitures aux princes sous peine d’excommunication.

Les agents de Henri voyant que le synode évitait même de soulever la question d’accommodement entre le prince et le pape, cherchèrent à exciter un soulèvement populaire contre Pascal, et profitèrent de la mort de Pierre, préfet de Rome, pour faire déclarer son fils son successeur à cette charge importante. Ce jeune homme, qui sortait à peine de l’enfance, paraissait facile à séduire, et l’on espérait qu’il entrerait aisément dans un projet de révolte contre le saint-siége. En effet, le jeudi saint, pendant que le pape disait la première oraison de l’office divin, les chefs de la faction impériale pénétrèrent dans l’église avec le jeune préfet, et vinrent sommer Pascal de confirmer la nomination du peuple ; le saint-père ne répondit point et continua l’office. Alors ils élevèrent la voix, et prenant Dieu à témoin, ils menacèrent le pontife d’une prochaine révolution.

Le lendemain les séditieux ameutèrent le peuple ; et après s’être engagés par serment à ne déposer les armes qu’après la victoire, ils se dirigèrent vers la cathédrale, et attaquèrent le clergé pendant une procession solennelle à laquelle assistait le pape. Plusieurs cardinaux furent grièvement blessés ; Pascal lui-même reçut des coups de bâton, et il eût été assommé sur la place s’il ne s’était engagé formellement à ratifier l’élection de Pierre pour la semaine suivante. Cette promesse ne satisfit pas entièrement le préfet ; il donna l’ordre d’abattre les maisons des seigneurs qui s’étaient déclarés contre lui, et menaça d’envahir le palais de Latran, si le pontife ne procédait immédiatement à son installation.

Pascal, craignant de ne pouvoir résister aux séditieux, jugea prudent de quitter Rome et s’enfuit à Albane. Son absence ne suspendit pas néanmoins la guerre civile ; on continua à se battre avec fureur dans les rues de la ville sainte ; tous les partisans du pape furent chassés, les couvents furent pillés, les églises brûlées, et les massacres ne se ralentirent dans les campagnes qu’à l’époque des moissons. Lorsque Henri eut appris le succès de ses menées, il envoya de riches présents au nouveau préfet et aux chefs de sa faction, les prévenant qu’il se rendrait à Rome pour les récompenser de leur zèle aussitôt qu’il aurait achevé la conquête des États de la comtesse Mathilde, qui venait de mourir. En effet il s’avança bientôt vers la ville sainte à la tête d’une nombreuse armée, ravageant les campagnes et forçant sur son passage toutes les petites places et les châteaux qui tenaient pour le pape.

A son entrée dans Rome, le roi de Germanie fut reçu en triomphe par le préfet et les barons romains ; il se rendit ensuite à Saint-Pierre et demanda la couronne aux ecclésiastiques, protestant qu’il n’avait d’autre désir que de la recevoir des mains du pontife, dont il regardait l’absence comme un malheur qui le privait de sa bénédiction. Alors il reçut la couronne impériale devant le tombeau de l’Apôtre, des mains de Maurice Bourdin, métropolitain de Braga, qui avait été envoyé à sa cour quelques mois auparavant en qualité de légat, et régla les principales affaires politiques avec le sénat et avec le préfet ; après quoi il repartit pour la Toscane, afin d’éviter les chaleurs excessives, promettant toutefois de revenir à la fin de la saison, et laissant dans Rome, par une sage précaution, un corps nombreux de troupes allemandes.

Peu de jours après le départ de Henri, les Normands firent une tentative contre la ville à l’instigation du saint-père. Cette première expédition échoua complètement. Néanmoins Pascal ne perdit pas courage ; au contraire, la colère doubla son énergie ; il fit une seconde tentative, pénétra dans Rome à la faveur d’une nuit obscure ; et le lendemain, ses ennemis furent tellement épouvantés de son audace, qu’ils vinrent lui faire leur soumission. Le pape