bien moins d’hommes sur la terre qu’il n’y a d’animaux carnassiers, car les bêtes farouches, mieux pourvües, mieux armées, ont un instinct plus prompt, des moyens plus sûrs et une nourriture plus assurée que l’espèce humaine. »
Il n’est pas besoin de beaucoup observer les animaux domestiques, pour voir combien l’éducation altère et fait varier l’instinct, mais combien, surtout, les hommes n’ont-ils pas contrarié le leur ? Eh ! quoi ! l’instinct de l’homme qui a faim ne le porte-t-il pas à ravir le pain que mange à ses yeux l’homme plus faible que lui ? l’instinct d’un homme vigoureux ne le porte t’il pas à jouir d’une fille jeune et jolie près de laquelle il se trouve ? Elle-même, sollicitée par ses désirs, par ceux de son amant, ne sent-elle pas son instinct la porter à se rendre ? L’instinct de ces 100.000 hommes rangés en bataille devant 100.000 autres, au moment d’une décharge d’artillerie ou de mousqueterie, ne les porte t’il pas à fuir plutôt qu’à tuer, ou se faire tuer pour une cause qui leur est étrangère ? Tous résistent pourtant à l’instinct, et l’on vient nous dire que ses inconstances sont très rares. L’instinct de la nature n’est il pas, dans tous, un cas étouffé sous le poids de nos institutions ? Si, dans l’état social, la mère reste unie à l’enfant, et l’enfant à la mère, après le besoin passé si chacun d’eux reste uni à son époux ou à son père, qui peut assurer que cette union ne soit pas plutôt le fruit de nos institutions, que l’impulsion nécessaire de l’instinct naturel ? L’histoire des animaux ne nous fournit aucun exemple de cet attachement respectif, des