Aller au contenu

Page:Laclos - Les liaisons dangereuses, 1782, T02.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
188 Les Liaisons

hommes dangereux auroient pu obtenir.

Ce que je vous dis-là, vous me le voyez pratiquer sans cesse ; & vous doutez de ma prudence ! Hé bien ! rappelez-vous le temps où vous me rendîtes vos premiers soins : jamais hommage ne me flatta autant ; je vous désirois avant de vous avoir vu. Séduite par votre réputation, il me sembloit que vous manquiez à ma gloire ; je brûlois de vous combattre corps à corps. C’est le seul de mes goûts qui ait jamais pris un moment d’empire sur moi. Cependant, si vous eussiez voulu me perdre, quels moyens eussiez-vous trouvés ? de vains discours qui ne laissent aucune trace après eux, que votre réputation même eût aidé à rendre suspects, & une suite de faits sans vraisemblance, dont le récit sincère auroit eu l’air d’un Roman mal tissu. À la vérité, je vous ai depuis livré tous mes secrets : mais vous savez quels intérêts nous unissent,