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l’auteur ou le complice, le comte de Toulouse eut reçu au nombre de ses amis et comblé de faveurs le meurtrier de Pierre de Castelnau, la mesure fut pleine ; il était arrivé à ce moment de la tyrannie où elle s’affaisse par son propre excès.

On se tromperait toutefois beaucoup en croyant qu’il était facile à la chrétienté d’avoir raison du comte de Toulouse. Sa position était formidable, et l’événement l’a bien prouvé. Raymond VI mourut victorieux de ses ennemis après quatorze années de guerre ; il transmit à son fils, qui en jouit jusqu’à sa mort, le patrimoine de ses ancêtres, et ce grand fief ne fut réuni à la couronne de France que par suite du mariage d’un frère de saint Louis avec la fille unique du comte Raymond VII. La force de cette maison tenait à bien des causes. Elle avait de longues racines dans le pays par l’antiquité, et une illustration méritée la recommandait à l’amour des peuples. L’hérésie, devenue presque générale, avait formé entre le prince et ses sujets un nouveau lien qui, en les séparant du reste de la chrétienté, donnait à leurs rapports le nerf d’une ligue religieuse. Les vassaux de tout rang partageaient les erreurs de leur suzerain, et la convoitise des biens du clergé ajoutait en eux à la communauté des idées celle des intérêts. Ce qui restait de catholiques n’était ni assez fervent ni assez nombreux pour affaiblir beaucoup le faisceau si bien serré dont le comte de Toulouse était le nœud. Il avait, en outre, pour alliés fidèles de sa cause les comtes de Foix et de Com-