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un hérétique ; toutes les entreprises de l’erreur étaient placées sous sa sauvegarde, et il affectait pour la religion ce mépris éclatant qui dans un prince est déjà une tyrannie. Un jour que l’évêque d’Orange était venu le supplier d’épargner les lieux saints, et de s’abstenir, au moins le dimanche et les fêtes, des maux dont il accablait alors la province d’Arles, il prit la main droite du prélat, et lui dit : « Je jure par cette main de ne tenir aucun compte du dimanche et des fêtes, et de ne faire merci ni aux personnes ni aux choses ecclésiastiques[1]. La France, à cette époque, était infestée de gens de guerre sans service, qui, réunis par bandes nombreuses, remplissaient les chemins de brigandages et de meurtres. Poursuivis par Philippe-Auguste, ils trouvaient sur les terres du comte de Toulouse, son vassal, une sûre impunité, qui était due à l’ardeur avec laquelle ils coopéraient à ses desseins par leurs déprédations et leurs cruautés sacriléges. Ils enlevaient des tabernacles les vases sacrés, profanaient le corps de Jésus-Christ, arrachaient aux images des saints leurs ornements pour en couvrir des femmes perdues ; ils détruisaient des églises de fond en comble ; les prêtres étaient meurtris à-coups de verges ou de bâton ; plusieurs furent écorchés vifs. Une exécrable trahison du prince laissait ses sujets sans défense contre une persécution d’assassins. Quand donc, après tant de crimes dont il était

  1. Lettres d’Innocent III, liv. X, lettre Lxix.