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Jusque-là la croisade n’avait eu pour âme et pour chef que l’abbé de Cîteaux. Après le succès de Béziers et de Carcassonne, les croisés, dont beaucoup songeaient à la retraite, crurent utile d’élire un chef militaire. Le choix fut remis à un conseil composé de l’abbé de Cîteaux, de deux évêques et de quatre chevaliers, qui ne jugèrent personne plus digne du commandement que le comte Simon de Montfort. Cet homme de guerre descendait de la maison de Hainaut ; il était né du mariage de Simon III, comte de Montfort et d’Évreux avec une fille de Robert, comte de Leicester, et il avait épousé Alice de Montmorency, femme héroïque comme son nom. On ne pouvait voir un plus hardi capitaine ni un plus religieux chevalier que le comte de Montfort, et s’il eût joint aux qualités éminentes qui resplendissaient dans sa personne un meilleur fonds de désintéressement et de douceur, nul des croisés d’Orient n’aurait surpassé sa gloire. À peine eut-il été nommé au commandement général, qu’il se vit presque abandonné de tous. Le comte de Nevers, celui de Toulouse, le duc de Bourgogne, se retirèrent l’un après l’autre, laissant avec Montfort une trentaine de chevaliers et un petit nombre de soldats. C’était un changement de fortune ordinaire à ces sortes d’expéditions, où chacun venait librement et s’en retournait de même.

Je ne veux tracer, on le sent bien, que le dessein général de la guerre et des négociations. Le nœud n’en est pas facile à saisir, parce que deux plans s’en