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ouvrit une issue secrète à travers les souterrains consacrés aux sépultures, et il passa nu et meurtri devant la tombe de Pierre de Castelnau.

Quelques jours après cette scène, qui avait eu lieu le 18 juin 1209, le légat Milon alla rejoindre, à Lyon, l’armée des croisés. Elle avait à sa tête le duc de Bourgogne, les comtes de Nevers, de Saint-Paul, de Bar, de Montfort, plusieurs autres seigneurs de marque et quelques prélats. Innocent III avait ordonné, en cas d’absolution du comte de Toulouse, qu’on respectât son domaine direct, mais qu’on marchât contre ses vassaux et ses alliés pour obtenir leur soumission. L’armée s’avança donc vers le Languedoc, et à peine avait-elle atteint Valence que le comte Raymond vint au-devant d’elle revêtu lui-même de la croix. On mit le siége devant Béziers, qui, emporté d’assaut à l’improviste, fut victime de la fureur du soldat, sans distinction d’âge, de sexe, ni même de religion. Les légats, dans leurs lettres au souverain pontife, estimèrent le nombre des morts à près de vingt mille. Ce carnage, qui n’avait été ni voulu ni prévu, est un des événements qui ont jeté sur la guerre des Albigeois une couleur qu’il n’est au pouvoir d’aucun historien d’effacer. La prise de Carcassonne suivit de près celle de Béziers. Les habitants se rendirent et eurent la vie sauve ; la ville fut abandonnée au pillage, de dessein prémédité. Il était difficile d’ouvrir plus mal une guerre plus juste dans son principe.