Page:Lacordaire - Œuvres du R.P. Henri-Dominique Lacordaire, tome 1 - Vie de Saint-Dominique.djvu/22

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« tournait chaque jour par là main même de « celui qui aurait dû l’en arracher, et mettre à « sa place le baume de Dieu et des paroles en « trecoupées et menaçantes sortaient de cette « bouche qui avait exprimé l’onction de l’Évan « gile (1). » Ce spectacle navrant était au-dessus des forces de l’abbé Lacordaire. Convaincu, du reste, de l’inutilité de ses efforts auprès du grand homme déjà tombé, il se résolut à l’unique parti qui pouvait lui rester : la séparation. Il quitta son ancien maître en lui laissant des adieux pleins d’une respectueuse douleur. Désormais il reprenait la liberté de ses convictions personnelles et la vraie direction de sa destinée. Ainsi affranchi, il vint à Paris sans savoir ce qu’il allait devenir, et ce que lui vaudrait de Dieu l’acte qu’il accomplissait. Mais il avait fait son devoir, et cela lui suffisait. C’est là un des plus beaux moments dans la vie de l’abbé Lacordaire. A peine sorti de la jeunesse, habitué depuis longtemps à subir, sans le savoir, la fascination de cet homme dominateur et presque à la chérir; l’âme encore meurtrie du combat où, contre ses espérances, il vient d’être vaincu; placé entre un passé qui se brise et un avenir compromis, il a

(1) Mémoires.