Page:Lacretelle Silbermann.djvu/121

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plus communs. Dans son cas ces bouffonneries avaient quelque chose de sinistre. Loin de me faire rire, elles me glaçaient, comme lorsqu’on entend plaisanter sur son mal quelqu’un qui se sait mortellement frappé.

Mon zèle pour lui redoublait. Nulle expression ne définit mieux le sentiment qui m’animait. Il n’entrait dans ce sentiment rien de ce qui couve d’ordinaire à cet âge sous une amitié ardente, pensées tendres, désir de caresses, jalousie, et la fait ressentir comme la première invasion de l’amour. Mais le soin exclusif, l’abnégation, la constante sollicitude de l’esprit, les soucis déraisonnables, donnaient à cet attachement tous les mouvements de la passion. J’étais tourmenté sans cesse par la crainte de mal accomplir ma mission. Je m’accusais de relâchements imaginaires. La nuit, cette angoisse me hantait et se transformait en cauchemar. J’avais la vision de Silbermann se noyant