Page:Lacretelle Silbermann.djvu/120

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ne serait-ce que la manière dont on prononce le mot « Juif » ?… Ah ! tu n’as jamais remarqué… Les lèvres avancent en une moue méprisante pour accentuer la première syllabe, puis, faisant glisser la seconde, reviennent vite en arrière, comme afin d’expulser le mot sans se souiller. Ce mouvement, j’ai appris à le reconnaître et à le déchiffrer, à force de le voir répété sur les lèvres de tous ceux qui me regardent : « C’est un Jû-if… il est Jû-if ».

Que répliquer à cela ? Quand j’entendais ces confidences poignantes, je frissonnais, comme si ayant passé la tête dans un cachot affreux j’avais aperçu un homme y vivant.

Et en même temps, par une sorte de bravade ou bien peut-être afin d’amortir sa disgrâce personnelle, il avait pris la manie de me conter des histoires où ceux de sa race étaient tournés en dérision. Il les développait avec art, imitant l’accent des Juifs et empruntant leurs noms les