Page:Lacretelle Silbermann.djvu/81

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Lorsqu’il arriva, je me trouvais seul dans le salon. Il examina tout de très près. Apercevant un livre posé sur la table à ouvrage de ma mère, il le retourna pour en voir le titre. C’était, il m’en souvient le Journal intime d’Amiel. Silbermann eut un petit sourire que je ne m’expliquai pas mais qui me déplut. Il aborda mes parents avec un raffinement de respect, mais sitôt que la conversation s’engagea, j’eus un sentiment de malaise. À peine questionné, en effet, il se mit à discourir avec une volubilité qui, j’en étais assuré, était, au jugement de mon père, égal au pire ton. Il continua pendant le déjeuner, racontant toutes les histoires qui pouvaient le mettre en valeur. Il parla de ses lectures, de ses voyages, de ses projets… Je voyais ma mère l’envisager avec crainte, comme si elle avait soupçonné dans cette rare activité intellectuelle un principe diabolique.

Mon père ne faisait entendre que des monosyllabes.