Page:Lacretelle Silbermann.djvu/83

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— En somme, l’idée de justice ne serait-elle pas née, comme l’a écrit La Rochefoucauld, de la vive appréhension qu’on ne nous ôte ce qui nous appartient ?

Mon père fit avec une courtoisie glacée un geste d’incertitude.

Le soir, ma mère me dit :

— « Ton ami paraît très intelligent », du même ton que l’on dit d’un escroc : « Il est très ingénieux ».

Cet insuccès ne diminua pas Silbermann dans mon esprit. J’y vis plutôt la preuve d’une certaine insuffisance de la part de ma famille. L’espace où je vivais me parut borné, étroit, incapable de faire place à l’intelligence. De petits usages auxquels j’avais toujours été soumis m’apparurent ridicules. Je m’aperçus que bien des objets de notre intérieur, que je n’avais jamais jugés tant ils m’étaient familiers, étaient très laids. Je pris moins de plaisir à rester dans notre maison, et,