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Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/141

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seul se regimbait et protestait contre ces admonitions imprévues, mais l’aveugle frappait de plus belle et ne voulait rien entendre.

Ces inconvénients du métier se reproduisaient, chaque jour, sans amener au moins quelque dédommagement ; le Savoyard était frugal dans ses repas, mais les deux pages avaient à pâtir de ses rares excès de boisson ; l’ivresse l’excitait alors à battre monnaie sur la joue de ses deux esclaves, suivant sa propre expression ; car il ne les aimait pas et les regardait comme des outils à lui appartenant. Grossier, inaccessible à tous les sentiments d’affection et de reconnaissance, il subissait à la fois l’influence de deux haines également implacables, d’une nature différente : l’une noble et hardie, contre l’Italien Concini, maréchal d’Ancre, qui tenait le roi en tutelle et la reine régente en servage ; l’autre, basse et misérable, contre les marionnettes et le singe de Fagottini qui faisaient une concurrence redoutable à ses vers et à sa musique.

D’Assoucy conservait, d’ailleurs, son insouciance, et ne trempait pas dans les deux haines de son maître : il ne connaissait que de nom le maréchal d’Ancre, et il se divertissait au spectacle du singe et des marionnettes, contre lesquels le premier page de musique tramait sournoisement un complot, pour être utile et agréable au Savoyard. D’Assoucy, aspirait à se soustraire à cet esclavage insupportable et essaya d’abord de l’adoucir par les licences qu’il se permettait en trompant les yeux toujours ouverts de son perfide collègue et la perspicacité clairvoyante de l’aveugle ; il regrettait ses bonnes