Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/199

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les porteurs, qui l’avaient ramené à son insu presque devant la maison de son oncle le chanoine, venaient de déposer leur chaise dans le vestibule d’un hôtel de la rue d’Enfer, attenant au couvent des Chartreux, sur le terrain desquels cet hôtel était bâti.


Scarron se frotta les yeux et regarda devant lui, d’un air effaré, au moment où un laquais ouvrait la portière, à la clarté de six flambeaux portés par autant de valets ; mais ceux-ci, qui s’apprêtaient à recevoir leur maître, pâlirent, tremblèrent et s’enfuirent, avec des cris d’effroi et d’horreur, éteignant leurs torches, ou les agitant, comme eussent fait des furies : l’effroyable figure de Scarron leur était apparue, à la lueur de ces torches, et ils ne s’imaginèrent pas avoir affaire à un masque, fort embarrassé de lui-même. Le pauvre diable était très inquiet des nouveaux désagréments que son costume diabolique pouvait lui susciter. La maison entière semblait en rumeur, des lumières passaient et repassaient aux fenêtres : on entendait des bruits d’armes, des appels effarés, des exclamations aux saints et saintes du paradis, et des prières murmurées à voix basse. « C’est le diable ! répétait-on de tous côtés : c’est le diable ! le diable ! le diable ! »



C’est le diable ! le diable ! le diable !


Scarron, encore mal éveillé, comprit pourtant que lui seul était la cause et l’objet de ce concours tumultueux de gens qui s’armaient pour se mettre à sa poursuite ; il sentait encore les meurtrissures des coups qu’il avait reçus aviver la cuisson irritante que le miel lui causait à la peau ; il craignit d’être maltraité une seconde fois et peut-être davantage, avant de se voir conduit en prison,