Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/217

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vers qu’elles avaient retenus de leurs lectures d’enfance, on les avertit de se préparer à monter en carrosse. Elles bondirent de joie, à cette nouvelle, sans s’informer du motif d’une sortie, contraire à la règle du couvent, et l’idée ne leur vint pas d’en tirer un fâcheux augure. Elles se hâtèrent de revêtir leurs plus beaux habits des jours de fête, leurs robes de taffetas toutes garnies de rubans et de dentelles, avec leurs souliers de satin à talons rouges et leur béguin de velours noir à passements d’argent, toilette mondaine et coquette, qui ne se sentait pas du costume lugubre et austère des religieuses Carmélites.


Antoinette de La Garde était déjà jolie, avec ses yeux vifs, son teint vermeil, sa bouche toujours souriante, son air espiègle et mutin ; Thérèse d’Urtis ne le cédait pas en beauté à sa compagne, quoique ses cheveux fussent blonds comme de l’or, au lieu d’être noirs comme le plumage d’un corbeau, quoique sa physionomie noble et presque grave eût, dans sa pâleur et dans son immobilité, une expression habituelle de mélancolie. Aussi, leur avait-on donné des surnoms qui convenaient bien à leur figure et à leur caractère dissemblables ; on appelait l’une Feuille-morte et l’autre Printanière. À coup sûr, ces sobriquets n’avaient pas été imaginés dans l’austérité du cloître, mais parmi les délicatesses de la société des Précieuses, où brillaient à la fois l’esprit et les charmes de mesdames de La Garde et d’Urtis, qui ne différaient pas plus que leurs filles entre elles.


— Bonjour, Germain ! dit avec pétulance mademoiselle de La Garde au cocher de sa mère, qui attendait à la porte avec la voiture. Que se passe-t-il donc à la cour, s’il vous plaît,