Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/309

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sa chapelle, tandis que, moi, je reviendrais a mon premier métier, qui fut l’état de comédien, et j’aspirerais à entrer dans la troupe royale de l’Hôtel de Bourgogne.


— L’enfant est de bonne mine, disait le duc d’Orléans, qui n’osait prendre une décision sans l’aveu du roi. Je pourrais le faire élever et instruire par le gouverneur de mes pages, et plus tard, il ferait un très bon valet de musique.


La bohémienne, aïeule de cet enfant, s’était échappée des mains de la livrée, qui s’efforçait de la retenir et de faire taire ses lamentations et ses cris ; elle fit irruption dans le salon et alla se précipiter aux pieds du roi.


— Sire ! sire ! disait-elle, en sanglotant ; que Votre Majesté daigne me laisser mon petit Jacques, que son père martyrise et qu’il a failli, sans le vouloir, faire périr aujourd’hui même sous les yeux de Votre Majesté ! Je suis la vieille mère de tous les Raisin, qui se distinguent dans la comédie et dans la musique ; j’ai été moi-même musicienne et comédienne. Si Votre Majesté daignait m’accorder le privilège de la troupe des petits comédiens de Monseigneur le dauphin…


— Êtes-vous folle, la mère ! interrompit Louis XIV. Le dauphin, qui est né au mois de novembre 1661, n’a guère plus d’une année, à cette heure.


— Monseigneur le Dauphin grandira, repartit la vieille avec vivacité, et alors le premier comédien de sa troupe sera mon petit-fils Jacques, présentement âgé de six ans et demi.


Louis XIV, qu’on n’avait jamais vu rire, excepté au théâtre, accueillit en riant la requête de la mère de tous les