Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/316

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soit qu’ils lui tirassent l’oreille, soit qu’ils lui adressassent un bon coup de verges, soit qu’ils le secouassent par les cheveux, il ne pleurait pas de douleur, mais quelquefois il pleurait de rage.



Le père Griffon qui était sourd, fut requis pour lui donner le fouet.


Cette inimitié, si cordialement partagée par le jeune élève, datait de plusieurs années. Crébillon, en arrivant au collège de Louis-le-Grand, après une enfance heureuse et libre au sein de sa famille, avait eu peine à s’accoutumer aux punitions usitées chez les jésuites, et la première fois que le Père Griffon, qui était sourd, fut requis pour lui donner le fouet il se défendit d’abord avec une inutile éloquence, et finit par lutter contre le droit du plus fort, non sans avantage, puisque le visage de l’homme aux verges en conserva les cicatrices plus longtemps que le derrière du petit rebelle. Le Père Frémion, qui était muet, fut encore plus maltraité, la seconde fois que Crébillon passa sous les verges, et il laissa presque la moitié de son nez sous la dent d’un adversaire, indigné d’un traitement brutal, dont son corps avait moins encore à souffrir que son orgueil.


Depuis cette double exécution, qui commença la querelle du fustigé contre les deux Pères fouetteurs, Crébillon n’avait pas cessé de se venger d’eux par toutes les malices que lui suggérait cette haine profonde et ardente, qui devait plus tard lui inspirer de si terribles scènes dans ses pièces de théâtre. Tantôt il leur lançait, en tapinois, une balle, une pomme, une pierre, un encrier ; tantôt il les aspergeait d’encre ou les inondait d’eau ; tantôt il les attachait l’un à l’autre par le bas de leur soutane ; tantôt il tendait une ficelle sur leur passage,