Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/321

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d’un air protecteur, et c’est plaisir que de se risquer à se faire punir pour vous rendre service ; mais vous n’êtes point assez hardis, pour vous venger. Moi, je ne craindrais pas même le général de la Compagnie de Jésus ! Ainsi, je me moque des Pères fouetteurs. Comptez donc sur moi pour dormir tout votre soûl, demain matin et jours suivants, en dépit de la cloche, que ni sourd ni muet ne pourra faire tinter pour le réveil.


Cette cloche, dont les sons retentissants avaient force de loi dans le collège de Louis-le-Grand, depuis cinq heures du matin jusqu’à neuf heures du soir, était suspendue justement au-dessous du dortoir où couchait Crébillon, et la corde qui servait à la mettre en branle se trouvait renfermée, en bas, à hauteur d’homme, dans une sorte d’armoire, dont les sonneurs avaient seuls la clé.


Le petit conspirateur, sachant que c’était le père Griffon qui devait le lendemain sonner le réveil, ainsi que tous les exercices de la journée, eut l’idée de supprimer le son de la cloche, pour tromper l’oreille du pauvre sourd ; il attendit que le collège fût endormi, et, s’armant d’une tenaille cachée sous son chevet, il se leva doucement, s’habilla sans bruit et sortit du dortoir à pas de loup, sur un palier dont la fenêtre, qu’il avait laissée ouverte d’avance, lui permettait de toucher la cloche avec la main ; il décrocha habilement avec sa tenaille le battant de cette cloche et l’emporta dans son lit, où il attendit, en dormant d’un plein sommeil, l’effet de sa mystérieuse expédition.


Le lendemain, comme il l’avait prévu, l’heure du réveil se passa sans que la cloche avertît les dortoirs, qui restèrent