Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/322

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silencieux plus tard qu’à l’ordinaire ce matin-là. Le Père Griffon s’était réveillé aussi exactement que les autres jours, au moment où le marteau de l’horloge, qu’il n’entendait pas, s’ébranlait pour frapper le coup de quatre heures, car jamais sonneur de cloche ne fut plus fidèle à son devoir. Il descendit, à moitié vêtu, dans la cour, malgré le froid âpre et brumeux qui précédait le point du jour ; il saisit de confiance la corde qu’il avait tirée de l’armoire, et la secoua longtemps, sans que la cloche rendît aucune vibration ; mais la routine avait tellement suppléé au sens de l’ouïe, qui lui manquait, que le mouvement était pour lui l’image du bruit. Son oreille complaisante crut percevoir le son éclatant de la cloche, qu’il agitait en mesure, sans que l’airain prît sa voix accoutumée. Cette voix si discordante et si tyrannique ne se faisant pas entendre aux dormeurs, pas un d’eux ne bougea, et ceux qui, par habitude, s’étaient éveillés à l’heure ordinaire, en bâillant, s’assoupirent de nouveau pour profiter du supplément de sommeil qu’ils devaient, comme ils le pensaient bien, à quelque ruse adroite de Crébillon.


Celui-ci, satisfait de la réussite de son invention, s’en alla remettre le battant à sa place, avant que le Père Griffon se fût aperçu de la supercherie. En effet, le principal, étonné de ne pas avoir entendu la cloche matinale, manda le sonneur, qui déclara que le réveil avait sonné depuis une heure et que les élèves ne pouvaient tarder à descendre aux classes ; mais il eut beau protester, avec serment, qu’il n’avait rien à se reprocher dans les devoirs de sa charge sonnifère, le principal l’accusa