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Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/337

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matin au soir, tenir la plume, qui s’usait plus vite que la patience des condamnés.


Mais cette cloche, qui avait disparu et qu’on ne retrouvait pas, se faisait entendre sans cesse, comme un gémissement, au milieu de la nuit, depuis que Crébillon avait eu l’adresse de faire passer, dans son dortoir, une seconde ficelle, qu’il agitait tout doucement, sans sortir de son lit. Chaque fois que le son se renouvelait, tout le collège était en rumeur, et le principal, armé d’un flambeau, conduisait les recherches jusque dans les caves, au lieu de les diriger du côté des toits. Enfin, on mit tant de monde en sentinelle, que Crébillon se vit forcé, sous peine d’être découvert, de supprimer sa diabolique sonnerie. Pendant deux jours, la vigilance des subalternes et des supérieurs fut aux écoutes, et la cloche demeura muette, si ce n’est qu’une hirondelle, en sortant de son nid, ébranla d’un coup d’aile le battant, qui retentit encore comme une harpe éolienne.


Cependant les arrêts continuaient avec plus de rigueur, sans que le clocheteur fût dénoncé par ses complices, sans que la cloche absente eût été remise à sa place.


Le Père Frémion et le Père Griffon ne doutaient pas que le Moine-bourru ne fût le seul coupable, et comme ils s’obstinaient à le dire à tout venant, on les avait relégués, en observation ou en pénitence, dans les caves : là, ils puisaient du courage dans les tonneaux, qu’on ne leur avait pas donnés à garder ; c’est de cette manière qu’ils dissipaient leurs frayeurs, au point de braver le Moine-bourru lui-même, quand ils étaient ivres.


Le proviseur, furieux d’une résistance qu’il ne parvenait