Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/338

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pas à vaincre, eut recours à des ordonnances aussi cruelles qu’injustes : il déclara que, tous les jours, dix élèves, choisis entre les plus mauvais sujets, seraient fouettés extraordinairement, et aussitôt il désigna ceux qui subiraient d’abord la peine du fouet. Crébillon fut compris dans cette première fournée, et le Père Griffon, qui était chargé d’exécuter la sentence, acquitta les vieilles dettes de son propre ressentiment, jusqu’à ce qu’il eût le bras fatigué de frapper sur ce malin garçon, qui ne lui épargnait pas les égratignures et les coups de pied. Le martyr ne pardonna pas à son bourreau, et, sous les verges même, il ne rêvait qu’aux représailles.


Les choses avaient été poussées si loin de part et d’autre, qu’il n’était plus possible de continuer la lutte, sans péril pour l’auteur de ce désordre collégial, et les élèves, à qui Crébillon offrait de se livrer lui-même au terrible jugement de la Compagnie de Jésus, lui répondirent généreusement qu’ils recevraient tous le fouet, après lui.


Néanmoins, Crébillon, inquiet des graves conséquences d’une rébellion générale qui persistait depuis plus de quinze jours, résolut de remettre enfin la cloche à sa place, sans en avertir personne, dans l’espérance que cette restitution volontaire apaiserait le ressentiment du principal. On avait abandonné les veilles de nuit, depuis que la cloche ne se faisait plus entendre. Crébillon se leva donc, la nuit même, monta sur le toit et en redescendit avec la cloche, qu’il se disposait à replacer, tant bien que mal, à l’endroit où il l’avait prise, lorsqu’il vit d’en haut la lueur d’une lanterne errer sous la galerie du rez-de-chaussée et un homme s’avancer lentement