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Page:Lacroix - Journal d'un habitant de Nancy, 1873.pdf/166

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vendredi 2 septembre. — 1870.

bataillon de la Landwehr bavaroise, qu’il a trente ans, une femme de vingt-deux et un enfant de dix-neuf mois, enfin qu’il est Rosoli-Fabrikant à Nuremberg, c’est-à-dire qu’il tient une distillerie où se fabrique cette liqueur appelée Rosoli dont la consommation le dispute à celle de la bière dans les tavernes de la Bavière. Pour me faire le compliment d’usage, le lieutenant Kamberger me dit qu’il est désolé de cette guerre, que ce n’est pas par plaisir qu’ils nous envahissent, et qu’il ne demande qu’à s’en retourner dans sa distillerie. C’est un Bavarois qui est allemand sans doute, mais qui n’est pas prussien, et cela me le rend très-supportable. Je sais par de Metz-Noblat, qui s’en plaignait à moi dernièrement, ce qu’il y a de pénible à loger chez soi des Prussiens pur-sang, fiers, hautains, arrogants, quelquefois, jusque dans leur politesse et qui ne peuvent dissimuler la joie qu’ils éprouvent de notre abaissement. Je remercie Dieu qui m’a préservé jusqu’ici de pareils hôtes, et je lui demande de me laisser au régime des Kamberger.

Ce qui achève de me réconcilier avec la nécessité de sa présence, c’est qu’il m’apprend qu’il a servi dans l’armée bavaroise, contre les Prussiens, en 1866, et que, dans la guerre actuelle, sa fonction est d’administrer et non de combattre. Tout lieutenant qu’il est, il remplit dans son bataillon l’emploi de Rechnungsbeamter, c’est-à-dire d’officier comptable, chargé de l’administration de tout le matériel