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Page:Lacroix - Journal d'un habitant de Nancy, 1873.pdf/54

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du dimanche 7 au jeudi 11 août. — 1870.

graphique, la plus brillante valeur n’aboutit à rien. Or, sur tous ces points, notre armée, comparée à celle de l’ennemi, lui est aussi inférieure que par le nombre. Aussi nos revers sont-ils aussi faciles à expliquer qu’ils étaient inévitables. Ces réflexions que je faisais à part moi, je me gardai bien de les exprimer tout haut pour ne pas attrister mon brave commandant, et je me contentai, après quelques paroles de réconfort, de lui serrer la main avec une respectueuse sympathie.

En le quittant, j’allai dans la salle des soldats. C’étaient pour la plupart des Turcos qui avaient donné au combat de Wissembourg. Plusieurs n’avaient que des blessures légères et pouvaient se promener en se soutenant d’un bâton. Eux aussi avaient l’air triste et humilié ; quelques-uns portaient sur leur visage quelque chose de sombre et de farouche qui semblait dénoter la haine et le désir de la vengeance. On voit qu’ils songent à une revanche, mais à en juger par ces débuts, il est douteux qu’elle vienne de sitôt.

Cependant la ville, où je rentre après cette visite, est toute pleine de confusion et de rumeur. Il y règne la même agitation que la veille, avec un redoublement de bruit et d’alarmes, car on sent que l’invasion est inévitable et imminente. Or, si l’on a eu de la peine à se faire à l’idée de la guerre, on en a bien plus encore à se faire à celle de l’in-