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Page:Lacroix - Journal d'un habitant de Nancy, 1873.pdf/55

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du dimanche 7 au jeudi 11 août. — 1870.

vasion. Cette nouvelle menace, surprenant les esprits dans l’irréflexion de la peur, les livre à toutes les craintes imaginaires qui grossissent la réalité d’un danger, et l’on s’épouvante à l’idée des scènes de violence, de meurtre, de pillage que l’on regarde comme le cortége inséparable d’une invasion. Aussi bon nombre d’habitants rassemblent leurs bijoux, leur argenterie, leurs valeurs, et s’ingénient à leurs trouver de sûres cachettes. Il y a des pères qui font partir leurs filles, et des maris qui se séparent de leurs femmes pour mettre leur honneur en sûreté.

Ce soir même, je vais dîner avec ma mère chez M. René Constantin, directeur de l’usine à gaz, mon propriétaire depuis 17 ans, et avec qui je vis depuis ce temps dans les meilleurs rapports de bon voisinage et d’amitié. L’invitation avait été faite avant nos malheurs et elle n’avait pas été décommandée. Mais l’acte de manger se trouva être alors au-dessus de nos forces. La même préoccupation oppressait nos cœurs et resserrait nos estomacs ; à la lettre, il nous était impossible d’avaler. On abrégea le plus possible, et l’on se sépara pour aller vaquer aux nécessités de la situation.

J’emploie toute la soirée à prendre mes mesures de précaution. Je mets dans un coffret tout ce qui peut tenter l’ennemi et être l’objet d’un coup de