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LA PERLE DE CANDELAIR

On ne croirait jamais que dix années sont passées là-dessus, tant c’est parfaitement semblable à l’époque qui a précédé le départ d’Étienne. La province seule a le secret de ces temps d’arrêt et il faut l’avoir habitée pour lire avec fruit et pour comprendre dans toute sa finesse et véritable application le conte de la Belle-au-Bois-Dormant.

À Paris, les choses avaient marché d’un bien autre train, et Mme Malsauge rentrait chez elle, un matin, après un bal donné par une de nos illustrations politiques, bal auquel elle n’avait pas pu manquer.

Elle en revenait le cœur irrité, l’esprit inquiet et bien décidée à tourmenter M. Jussieux, à propos duquel elle venait de beaucoup souffrir.

À ce même bal, une des plus intimes amies de la femme du ministre lui avait glissé tout bas cet avertissement affectueux :

— Veillez, chère, il n’est question de rien moins que d’un très riche et très brillant mariage pour Étienne. Le bruit s’en affermit ; on parle déjà des avantages que la cour ferait à M. Jussieux, à ce propos,  etc.,  etc.

Mme Hélène avait fixement regardé la charitable donneuse d’avis ; mais elle paraissait de si bonne foi qu’elle n’avait point osé s’en méfier, et que, en s’en fâchant, elle avait craint de méconnaître une vérité qu’il était de son intérêt de savoir à fond.

On a peu d’amies parmi les femmes, dans le monde où vivait Mme Hélène ; néanmoins, elle avait la naïveté de croire à la sympathie de quelques-unes de celles qui vivaient le plus avant dans son intimité.

Et puis, aveuglée par la tendresse extrême qu’elle