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pensa à dresser ses statuts qu’après avoir gouverné son collège pendant plus de dix-huit ans, et n’y prescrivit que les usages qu’il y avait établis, et dont une longue expérience lui avait fait connaître l’utilité et la sagesse. De là vint qu’il n’a jamais été question de réforme et de changement en Sorbonne. Tout s’y est toujours fait selon les anciens usages et les anciens réglemens ; et l’expérience de cinq siècles a fait voir que la constitution de la maison de Sorbonne est peut-être ce que l’on peut imaginer de plus parfait en ce genre. En effet, aucun des collèges fondés depuis ne s’est soutenu avec autant de régularité et de splendeur, quoiqu’on ait cru y devoir mettre des supérieurs et des principaux pour y maintenir les réglemens, et que l’on n’ait pu concevoir comment une société dont tous les associés sont égaux entre eux, et n’ont, dans leur maison, aucun supérieur ni principal, pourrait se maintenir dans un état florissant pendant plusieurs siècles. Robert de Sorbonne, après avoir solidement établi sa société pour la théologie, y ajouta un autre collège pour les humanités et la philosophie. Il acheta, à cet effet, de Guillaume de Cambrai, chanoine de Saint-Jean-de-Maurienne, une maison proche de Sorbonne, et y fonda, en 1271, le collège de Calvi. Ce collège, appelé aussi la Petite Sorbonne, devint très-célèbre par les grands hommes qui y furent formés. Il subsista jusqu’en 1636, que le cardinal de Richelieu le fit démolir pour y bâtir la chapelle de Sorbonne. Il s’était obligé d’en bâtir un autre, qui appartiendrait également à la maison, et qui lui serait contigu ; mais sa mort en empêcha l’exécution ; et ce fut pour suppléer en partie à son engagement que la maison de Richelieu fit réunir le collège du Plessis à la Sorbonne en 1648. Robert de Sorbonne devint chanoine de Paris dès l’an 1258. Il s’acquit une si grande réputation, que les princes mêmes le consultaient souvent, et qu’ils le prirent pour arbitre en quelques occasions importantes. Il légua tous ses biens, qui étaient très-considérables, à la société de Sorbonne, et mourut saintement à Paris, le 15 août 1274, à 73 ans. On a de lui plusieurs ouvrages en latin. Les principaux sont 1o un Trité de la conscience, un autre de la Confession, et un livre intitulé Le chemin du Paradis. Ces livres sont imprimés dans la Bibliothèque des Pères ; 2o de petites Notes sur toute l’Écriture sainte, imprimées dans l’édition de Ménochius, par le père Tournemine ; 3o Les statuts de la maison et société de Sorbonne, en 38 articles ; un livre Du mariage ; un autre Des trois moyens d’aller en Paradis ; un grand nombre de Sermons, etc. Ils se trouvaient en manuscrits dans la bibliothèque de Sorbonne, et l’on remarque dans tous beaucoup d’onction, de piété et de jugement. La maison et société de Sorbonne était une des quatre parties de la faculté de théologie de Paris. Elle avait ses revenus, ses statuts, ses assemblées et ses prérogatives particulières. Quoiqu’elle ait été, depuis son établissement jusqu’à la fin, la partie la moins nombreuse de la faculté, elle a toujours produit un si grand nombre d’habiles théologiens et de personnes de mérite, qu’elle a donné en quelque sorte son nom à toute la faculté de théologie de Paris, et que depuis le concile de Bâle les docteurs, et les bacheliers de Paris prirent souvent le titre de docteurs et de bacheliers de Sorbonne, quoiqu’ils ne fussent pas membres de cette maison. Nous nous sommes un peu plus étendus sur cet article que sur les autres, parce qu’il n’y a jusqu’ici aucun livre imprimé où l’on donne une idée juste et exacte de la Sorbonne et de son établissement.

SOREL, SOREAU ou SUREL (Agnès), l’une des plus belles personnes de son temps, était native et dame de Fromenteau, village de la Touraine, près de Loches, dans le diocèse de Bourges. Le roi Charles VII, ayant eu la curiosité de la voir, ne put s empêcher de l’aimer, et lui donna le château de Beauté-sur-Marnee, dont on voit encore les restes dans le parc de Vincennes, et plusieurs autres terres. Ce prince en vint même jusqu’à quitter, pour l’amour d’elle, le soin de son royaume et les affaires publiques ; mais la belle Agnès (car c’est ainsi qu’on la nommait à cause de sa beauté) lui reprocha cette indolence, et sut si bien l’animer contre les Anglais, qu’il