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aussi qu’il y eût toujours dans son collège des docteurs qui s’appliquassent particulièrement à la morale et à résoudre les cas de conscience ; ce qui a fait que depuis son temps la maison de Sorbonne a été consultée de toutes les parties du royaume, et elle n’a rien négligé pour répondre à la confiance du public. Robert de Sorbonne établit différentes places pour l’administration de son collège. La première était celle de proviseur, lequel était toujours élu entre les personnes les plus éminentes. La seconde personne après le proviseur était le prieur. Il était toujours élu entre les socius bacheliers. Il présidait aux assemblées de la société, aux actes des Robertines, à la lecture de l’Écriture sainte, qui se faisait à table, et aux Sorboniques de la licence, auxquelles il assignait le jour. Il faisait deux harangues publiques, l’une à la première, et l’autre à la dernière de ces thèses. C’est à lui aussi que l’on remettait tous les soirs les clefs de la porte de la maison, et il signait le premier tous les actes. Les autres places étaient celles de senieur, de conscripteur, de professeurs, de bibliothécaire, de procureurs, etc. Il y a tout lieu de croire qu’il y avait en Sorbonne, dès le temps du fondateur, trente-six appartemens ; et c’est sans doute conformément à ce premier plan que l’on n’en fit que ce nombre quand le cardinal de Richelieu rebâtit la Sorbonne dans l’état magnifique où on l’a vue. Depuis, on en ajouta un, et leur nombre s’arrêta à trente-sept. Ils ont toujours été occupés par trente-sept tant docteurs que bacheliers. Robert de Sorbonne, après avoir fondé son collège de théologie, en obtint la confirmation du saint Siège et fit autoriser sa fondation par les lettres-patentes du roi saint Louis, qui lui avait déjà donné ou échangé en 1256 et 1258 quelques maisons nécessaires à cet établissement. Il s’appliqua ensuite à faire fleurir la science et la piété dans son collège, et il y réussit. On en vit sortir en peu de temps d’excellens docteurs, qui en répandirent la réputation dans toute l’Europe. Les legs et les donations vinrent alors de toutes parts ; ce qui mit les Sorbonistes en état d’étudier sans inquiétude. Robert de Sorbonne eut toujours une prédilection particulière pour ceux qui étaient pauvres ; car, quoiqu’il y eût dans sa société des docteurs très-riches, comme on le voit par les registres et par les autres monumens qui subsistent dans les archives de Sorbonne, néanmoins son établissement avait principalement les pauvres en vue. La plus grande partie des revenus était employée à leurs études et à leur subsistance. Et le fondateur voulut que l’on appelât la Sorbonne La maison des pauvres, ce qui a donné lieu à la formule que prononçaient les bacheliers de Sorbonne quand ils répondaient, ou qu’ils argumentaient aux thèses en qualité d’Antique. C’est aussi ce qui fait qu’on lit sur un grand nombre de manuscrits, « qu’ils appartiennent aux pauvres maîtres de Sorbonne. » Robert de Sorbonne ne se contenta pas de pourvoir son collège de revenus suffisans, il eut en même temps un grand soin d’y rassembler tous les livres nécessaires à des théologiens, et d’y établir un bibliothécaire. On voit par l’ancien catalogue de la bibliothèque de Sorbonne, dressé en 1289 et en 1290, qu’il y avait déjà plus de mille volumes, et qu’ils valaient plus de 30,000 livres de notre monnaie. La bibliothèque s’accrut tellement, qu’il fallut dresser un nouveau catalogue deux ans après, c’est-à-dire en 1292 ; et depuis cette année jusqu’en 1338, la maison de Sorbonne acquit des livres pour 3812 livres 10 sols 8 deniers, somme très-considérable en ce temps-là. C’est ce que porte expressément le catalogue des livres fait en 1338. Summa valoris omnium librorum hujus domûs præter libros intitulatos anno Domini 1292, tria millia, octingentæ duodecim libræ, decem solidi, octo denarii. On voit par là que la bibliothèque de Sorbonne était peut-être alors la plus belle bibliothèque qui fût en France. Tous les livres de quelque prix étaient enchaînés dans des tablettes, et très-bien rangés par ordre des matières, en commençant par la grammaire, les belles-lettres, etc. Les catalogues étaient disposés de même, et marquaient à chaque livre sa valeur. Robert de Sorbonne, bien différent des autres fondateurs, qui font d’abord des réglemens, et mettent ensuite toute leur application à les faire observer, ne