Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/20

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épingle ; commerce de crêpe noir et de brassards, d’écharpes, de rubans tricolores et multicolores ; commerce de bière, de vin, de charcuterie ; les gens affamés mangeaient et buvaient debout dans la rue, devant les comptoirs, n’importe quoi et à n’importe quel prix ; commerce d’amour, — les provinciaux et les étrangers, venus des quatre coins de l’horizon, honoraient le mort en festoyant avec les horizontales.

Les funérailles du premier juin ont été dignes du mort qu’on panthéonisait et dignes de la classe qui escortait le cadavre.

Les organisations socialistes révolutionnaires de France et de l’Étranger, qui sont la partie consciente du prolétariat, ne s’étaient pas fait représenter aux obsèques de Victor Hugo. Les anarchistes faisaient exception et pour se distinguer une fois de plus des socialistes révolutionnaires, ils essayèrent de mêler leur drapeau noir aux drapeaux multicolores du cortège ; Élisée Reclus, leur homme remarquable, pria son ami Nadar d’inscrire son nom sur le registre mortuaire. Cependant le gouvernement en frappant d’interdit le déploiement du drapeau rouge ; M. Vacquerie[1] en déclarant que dans l’exil, Hugo avait toujours marché derrière le drapeau rouge toutes les fois qu’on portait en terre une des victimes du coup d’État, et la presse radicale en réclamant le droit à la rue pour l’étendard de la Commune et en rappelant qu’en 1871 le proscrit de l’Empire avait ouvert sa maison de Bruxelles aux vaincus de Paris, tous semblaient à l’envie convier les révolutionnaires à s’assembler

  1. Auguste Vacquerie, frère de Charles Vacquerie, mari de Léopoldine Hugo. Journaliste à l'Évènement et poète. Il a accompagné Victor Hugo en exil à Jersey. (Note de Wikisource)