Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/25

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Il peut invoquer des circonstances atténuantes. On utilisait, à l’époque, la mère de toutes les façons ; elle était déjà la grande ficelle dramatique : c’était le souvenir de la mère qui au théâtre paralysait le bras de l’assassin prêt à frapper ; c’était la croix de la mère, qui exhibée au moment psychologique, prévenait le viol, l’inceste et sauvait l’héroïne ; c’était la mort de sa mère, qui du Chateaubriand sceptique et disciple de Jean-Jacques de 1797, tira le Chateaubriand mystagogique d’Atala et du Génie du Christianisme de 1800. Victor Hugo qui ne devança jamais de 24 heures l’opinion publique, mais sut toujours lui emboîter le pas, singeait Chateaubriand son maître, et appliquait à son usage privé le truc qui ne ratait pas son effet au théâtre.

Que le royalisme de Hugo fût de circonstance ou d’origine maternelle, peu importe ; il est certain qu’il était grassement payé, et c’était heureux, car le public achetait avec modération ses livres : les éditeurs de Han d’Islande lui écrivaient en 1823 qu’ils ne savaient comment se débarrasser des 500 exemplaires de la première édition, qui restaient en magasin. Louis XVIII octroyait au poète, en septembre 1822, une pension de 1.000 francs sur sa cassette particulière et, en février 1823, une seconde pension de 2.000 francs sur les fonds littéraires du ministère de l’Intérieur. Victor Hugo et ses deux frères, Abel et Eugène, faisaient avec courage et ténacité le siège de ces fonds littéraires ; en 1821, ils se plaignaient amèrement de ce que le ministère n’avait pas subventionné