Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/29

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avaient domestiqué la muse vagabonde, qu’ils lui avaient enseigné l’art de « jouer de l’encensoir, d’épanouir la rate du vulgaire, pour gagner le pain de chaque soir »[1], et si on leur avait montré le chef de l’école romantique recevant à vingt ans trois mille francs de pension pour des vers « somnifères » les parents, jugeant que la poésie rapportait davantage que l’élève des lapins ou la tenue des livres auraient encouragé, au lieu de réprimer, les velléités poétiques de leur progéniture[2].

La bourgeoisie industrielle et commerciale n’aurait pas attendu sa mort pour ranger Victor Hugo, parmi les plus grands hommes de son histoire, si elle avait connu les sacrifices héroïques qu’il s’imposa et les tortures mentales qu’il supporta pour acquérir ces deux pensions.

Notes :

  1. Baudelaire, Les fleurs du Mal. (Bénédiction ; La Muse vénale).
  2. Cette impertinente épithète est de Stendhal, qui pas plus que Baudelaire n’entendait rien au commerce des lettres. « L’Edinburgh Review, écrit-il, s’est complètement trompé en faisant de Lamartine le poète du parti ultra... le véritable poète du parti, c’est M. Hugo. Ce M. Hugo a un talent dans le genre de celui de Young, l’auteur des Night Thoughts, il est toujours exagéré à froid... L’on ne peut nier au surplus, qu’il sache bien faire des vers français, malheureusement il est somnifère ». Correspondance inédite de Stendhal. Vol. I, p. 22.




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Chapitre 3


Madame Hugo n’aimait pas Napoléon, elle choisissait pour amis ses ennemis ; après la défaite de Waterloo, afin de fouler aux pieds la couleur de l’Empire, elle se chaussa de bottines vertes, ce