Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/39

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régimes, il n’a jamais modifié sa conduite, que toujours, sans se laisser détourner par les avènements et les renversements de gouvernement, il poursuivit un seul objet, son intérêt personnel, que toujours il resta hugoïste, ce qui est pire qu’égoïste, disait cet impitoyable railleur de Heine, que Victor Hugo, incapable d’apprécier le génie, ne put jamais sentir.

Est-ce la faute à ce pauvre homme, si pour faire fortune, le but sérieux de la vie bourgeoise, il dut mettre à son chapeau toutes ces cocardes ? Si faute il y a, qu’elle retombe sur la bourgeoisie qui acclama et renversa successivement tous ces gouvernements. Hugo pâtit de ces variations politiques : jusqu’en 1830, il dut étouffer son ardente admiration pour Napoléon ; et jusqu’en 1848, il dut ensevelir son républicanisme sous des flatteries au roi, comme Harmodius cachait son poignard tyrannicide sous des fleurs.

Ils comprennent bien mal Hugo, ceux qui voient en lui un homme voué à la réalisation d’une idée : à ce compte sa vie serait un tissu de contradictions irréductibles. Il laissa ce rôle aux idéologues, aux hurluberlus qui rêvent leur vie ; il se contenta d’être un homme raisonnable, ne s’inquiétant, ni de l’effigie de ses pièces de cent sous, ni de la forme du gouvernement qui maintient l’ordre dans la rue, fait marcher le commerce, et donne des pensions et des places. Dans son autobiographie il déclare explicitement que « la forme du gouvernement lui semblait la question secondaire ». Dans la préface des Voix intérieures de 1837, il avait pris pour devise : « Être de tous les partis par leurs côtés généreux, (