Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/38

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Mais auparavant il avait « béni l’avènement de la reine Victoria » et célébré le Czar Nicolas « le noble et pieux empereur »[1]. En 1846, il priait le baron de Humboldt de remettre un de ses discours académiques « à son auguste roi, pour lequel, vous connaissez ma sympathie et mon admiration ». Cette majesté si admirée était Guillaume IV, roi de Prusse et frère de l’empereur d’Allemagne, couronné à Versailles[2]. L’histoire ne raconte pas si le poète reçut des gratifications des Majestés-Unies d’Europe.

Enfin arrive le grand jour : Hugo reconquérant la liberté de sa pensée, ne sera plus obligé de flatter les rois en public et de chérir la république dans son for intérieur. La révolution de 1848 chasse « l’auguste gardien de la civilisation » et juche au pouvoir les républicains du National. Un instant on croit la régence possible, Victor Hugo s’empresse de la demander, place des Vosges ; on proclame la république, Victor Hugo, sans perdre une minute, se métamorphose en républicain. Les personnes qui s’arrêtent aux apparences, l’accuseront d’avoir varié, parce que tour-à-tour il fut bonapartiste, légitimiste, orléaniste, républicain ; mais une étude un peu attentive montre au contraire que sous tous ces

  1. Victor Hugo. Le Rhin, tome III, 288, 331.
  2. Ces détails biographiques, que par une modestie déplacée, Victor Hugo supprima dans l’autobiographie, qu’il dicta à sa femme, ont été rétablis dans l’étude si érudite et si spirituellement écrite de M. Ed. Biré, Victor Hugo avant 1830, J. Gervais, édition 1883. On ne saurait trop en recommander la lecture aux Hugolâtres qui désirent connaître intimement leur héros.