Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/42

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socialistes, rassurer les bourgeois et protéger la famille, la religion, la propriété menacées par les communistes, ces barbares de la civilisation. Avec un courage héroïque, qu’aucune pitié pour les vaincus, qu’aucun sentiment pour la justice de leur cause n’ébranlèrent, Victor Hugo, digne fils du Brutus Hugo de 1793, vota avec la majorité, maîtresse de la force. Ses votes glorieux et ses paroles éloquentes sont bien connus ; ils sont recueillis dans les annales de la réaction qui accoucha de l’empire ; mais on ignore la conduite, non moins admirable de son journal, l’Evénement fondé le 30 juillet 1848, avec le concours de Vacquerie, de Théophile Gautier, et de ses fils ; elle mérite d’être signalée.

L’Evénement prenait cette devise, qui, après juin, était de saison : « Haine à l’anarchie — tendre et profond amour du peuple. » Et pour qu’on ne se méprit pas sur le sens de la deuxième sentence, le numéro spécimen disait que l’Événement « vient parler au pauvre des droits du riche, à chacun de ses devoirs. » Le numéro du premier novembre annonçait « qu’il est bon que le National qui s’adresse à l’aristocratie de la République se donne pour 15 centimes, que l’Événement qui veut parler au pauvre se vende pour un sou. » Le poète commençait à comprendre que dans les petites bourses des pauvres, se trouvaient de meilleures rentes que dans les fonds secrets des gouvernements et les coffres-forts des riches.

Suivant l’exemple donné par les Thiers de la rue de Poitiers, car Victor Hugo imita toujours quelqu’un, l’Événement endoctrine le peuple, répand,