Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/46

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libertés encore ; cependant il ne détestait rien plus que cette liberté, qui permet « aux démagogues forcenés, de semer dans l´âme du peuple des rêves insensés, des théories perfides... et des idées de révolte. » (l’Événement du 3 novembre). L’insurrection abattue, la Chambre vota le cautionnement qui commandait « silence aux pauvres ! » selon l’expression de Lamennais. L’Événement s’empressa, ainsi que les Débats, le Constitutionnel et le Siècle d’approuver cette « mesure si favorable à la presse sérieuse. Nous la considérons... comme nécessaire... la Société avait une liberté gangrenée ; le cautionnement ce chirurgien redouté vient d’opérer le corps social. » (Numéro du 11 août). Le libertaire Hugo n’était pas homme à hésiter devant l’amputation de toute liberté qui inquiète la classe possédante et trouble les cours de la bourse.

Victor Hugo commit alors la grande bévue de sa vie politique : il prit le prince Napoléon pour un imbécile, dont il espérait faire un marchepied. D’ailleurs c’était l’opinion générale des politiciens sur celui que Rochefort devait surnommer le Perroquet mélancolique : car même dans l’erreur, Hugo ne fut pas original, en se trompant il imitait quelqu’un. Il était si absorbé par le désir de se caser dans un ministère bonapartiste, qu’il ne s’aperçut pas que les Morny, les Persigny et les autres Cassagnac de la bande avaient accaparé l’imbécile et qu’ils entendaient s’en réserver l’exploitation. Ces messieurs, avec un sans-gêne qui l’étonna et le choqua grandement, l’envoyèrent potiner dans sa petite succursale de la rue de Poitiers et escamotèrent à son nez et à