Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/47

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sa barbe le ministère si ardemment convoité. Au lieu d’embourser son mécompte et de contenir son indignation comme s’était son habitude, il s’oublia et se jeta impétueusement dans l’opposition. Les républicains de la Chambre, manquant d’hommes, l’accueillirent malgré son passé compromettant et le sacrèrent chef. Grisé il rêva la présidence.

Le coup d’État qui surprit au lit les chefs républicains, dérangea ses plans, il dut suivre en exil ses partisans, puisqu’ils l’avaient promu chef. Les chenapans qui, à l’improviste, s’étaient emparés du gouvernement, étaient si tarés, leur pouvoir semblait si précaire, que les bourgeois républicains balayés de France, ne crurent pas à la durée de l’Empire. Durant des semaines et des mois, tous les matins, tremblants d’émotion, ils dépliaient leur journal pour y lire la chute du gouvernement de décembre et leur rappel triomphal ; ils tenaient leurs malles bouclées pour le voyage. Ces républicains bourgeois qui avaient massacré et déporté en masse les ouvriers, assez naïfs, pour réclamer à l’échéance les réformes sociales qui devaient acquitter les trois mois de misère, mis au service de la République, ne comprenaient pas que le Deux Décembre était la conséquence logique des journées de juin. Ils ne s’apercevaient pas encore que lorsqu’ils avaient cru ne mitrailler que des communistes et des ouvriers, ils avaient tué les plus énergiques défenseurs de leur République. Victor Hugo, qui était incapable de débrouiller une situation politique, partagea leur aveuglement ; il injuria en prose et en vers le peuple parce qu’il ne renversait pas à l’instant l’Empire