Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/50

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l’attention populaire de la recherche des causes de la misère sociale, qui sont l’accaparement des richesses sociales par la classe capitaliste ; il détourne l’action populaire de son but révolutionnaire, qui est l’expropriation de la classe capitaliste et la socialisation des moyens de production. — Peu de livres ont été plus utiles à la classe possédante que Napoléon le Petit et Les Châtiments.

D’autres hugolâtres, panégyristes maladroits, prenant au sérieux les déclarations de dévouement et de désintéressement du poète, le représentent comme un héros d’abnégation ; — ils le dépouillent de son prestige bourgeois, par simplicité. À les entendre, il aurait été un de ces maniaques dangereux, entichés d’idées sociales et politiques, au point de leur sacrifier les intérêts matériels ; ils voudraient l’assimiler à ces Blanqui, à ces Garibaldi, à ces Varlin, à ces fous qui n’avaient qu’un but dans la vie, la réalisation de leur idéal. — Non, Victor Hugo n’a jamais été assez bête pour mettre au service de la propagande républicaine, même quelques milliers de francs de ses millions ; — s’il avait sacrifié n’importe quoi pour ses idées, un cortège de bourgeois, aussi nombreux, ne l’aurait pas accompagné au Panthéon ; M. Jules Ferry lui souhaitant sa fête, deux ans avant sa mort, ne l’aurait pas salué du nom de Maître. Si Victor Hugo avait fait de cette politique de casse-cou, il serait sorti de la tradition bourgeoise. Car la caractéristique de l’évolution politique dans les pays civilisés, est de débarrasser la politique des dangers qu’elle présentait et des sacrifices qu’elle exigeait autrefois.