Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/49

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d’insultes les Canrobert et les Saint-Arnaud de la troupe bonapartiste de décembre ; mais il ne décoche pas un seul vers aux Cavaignac, aux Bréa et aux Clément Thomas de la bande bourgeoise de juin. Massacrer les socialistes en blouse, lui semble dans l’ordre des choses, mais charger sur le boulevard Montmartre, emporter d’assaut la maison Sallan-drouze, canarder quelques bourgeois en frac et chapeau gibus ! Oh ! le plus abominable des crimes ! Les Châtiments ignorent Juin et ne dénoncent que Décembre : en concentrant les haines sur Décembre, ils jettent l’oubli sur Juin.

Dans sa préface du 18 Brumaire, Karl Marx dit à propos de Napoléon le Petit : « Victor Hugo se borne à des invectives amères et spirituelles contre l’éditeur responsable du coup d’État. Dans son livre l’événement semble n’être qu’un coup de foudre dans un ciel serein, que l’acte de violence d’un seul individu. Il ne remarque pas qu’il grandit cet individu, au lieu de le rapetisser, en lui attribuant une force d’initiative propre, telle qu’elle serait sans exemple dans l’histoire du monde. » Mais en magnifiant, sans s’en douter, Napoléon le Petit en Napoléon le Grand, en empilant sur sa tête les crimes de la classe bourgeoise, Hugo disculpe les républicains bourgeois qui préparèrent l’empire et innocente les institutions sociales qui créent l´antagonisme des classes, fomentent la guerre civile, nécessitent les coups de force contre les socialistes et permettent les coups d’État contre la bourgeoisie parlementaire. En accumulant les colères sur les individus, sur Napoléon et ses acolytes, il détourne