Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/59

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nourrir le bâtard du bourgeois qui l’a abandonnée enceinte. C’était en effet vieillot et enfantin. Mais là où Victor Hugo étale grossièrement son esprit bourgeois, c’est lorsqu’il personnifie ces deux institutions de toute société bourgeoise, la police et l’exploitation, dans deux types ridicules : Javert, la vertu faite mouchard et Jean Valjean, le galérien qui se réhabilite en amassant en quelques années une fortune sur le dos de ses ouvriers. La fortune lave toutes les taches et tient lieu de toutes les vertus, Hugo, ainsi que tout bourgeois, ne peut comprendre l’existence d’une société sans police et sans exploitation ouvrière.

L’adoration du Dieu-Propriété, c’est la religion de Victor Hugo. À ses yeux, la confiscation des biens de la famille d’Orléans est un des plus affreux crimes de Napoléon III. Et s’il avait été membre de l’assemblée de Versailles, il aurait, sur la proposition de M. Thiers, voté les 50 millions d’indemnité aux d’Orléans, par respect pour la propriété. Sa haine des socialistes, qu’il dénonça si férocement en 1848, est si intense, que dans sa classification des êtres, qui troublent la société, il place au dernier échelon Lacenaire, l’assassin, et immédiatement au dessus, Babeuf, le communiste[1].

Des gens qui seraient de la plus atroce mauvaise foi, s’ils n’étaient des ignorants et des oublieux, ont prétendu que l’homme qui, en novembre 1848, écrivait que « l’insurrection de juin est criminelle et

  1. « Plus bas que Marat, plus bas que Babeuf, il y a la dernière sape et de cette cave sort Lacenaire. » Les Misérables. Tome VI, page 61-62, première édition.