Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/58

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dont il ne comprenait pas exactement le sens. Il voulut s’assurer de n’avoir commis, par erreur, même en pensée, de péché socialiste ; il fit son examen de conscience dans son autobiographie et il se convainquit que lui qui avait écrit sur les pauvres gens, la misère, et autres sujets de compositions rhétoriciennes, des tirades à paver le Palais-Bourbon, il n’avait demandé qu’une seule réforme sociale, l’abolition de la peine de mort « la première de toutes, — petit-être »[1]. Et encore il pouvait se dire qu’il n’avait fait que suivre l’exemple de tous les apôtres de l’humanitairie, depuis Guizot jusqu’à Louis-Philippe ; et que tout d’abord il n’avait envisagé la peine de mort qu’à un point de vue littéraire et fantaisiste, comme un excellent thème à déclamation verbeuse, à ajouter aux « croix de ma mère » — « la voix du sang » et autres trucs du romantisme qui commençaient à s’user et à perdre leur action sur le gros public.

Un socialisme qui se limite à cette réforme sociale pratique : l’abolition de la peine de mort, n’est de nature qu’à inquiéter les bourreaux, dont il menace les droits acquis. Et cela ne doit pas étonner, si lors de la publication de la « bible socialiste » de Hugo, les Misérables, il ne se soit trouvé que Lamartine vieilli pour se scandaliser, que, trente ans après Eugène Sue, « le seul homme, qui selon Th. de Banville avait quelque chose à dire », osât s’apitoyer sur un homme envoyé aux galères pour le vol d’un pain et sur une pauvre fille se prostituant pour

  1. Victor Hugo raconté, etc., Tome II.