Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/66

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Parfois les générations futures ne ratifient pas les jugements des contemporains. Mais la critique historique qui n’admire ni ne blâme, mais essaye de tout expliquer, adopte l’axiome populaire, il n’y a pas de fumée sans feu ; elle pense que l’écrivain acclamé par ses contemporains, n’a conquis leurs applaudissements que parce qu’il a su flatter leurs goûts et leurs passions, et exprimer leurs pensées et leurs sentiments dans la langue qu’ils pouvaient comprendre. Tout écrivain que consacre l’engouement du public, quels que soient ses mérites et démérites littéraires, acquiert par ce seul fait une haute valeur historique et devient ce que Emerson nommait un type représentatif d’une classe, d'une époque. — Il s’agit de rechercher comment Hugo parvint à conquérir l’admiration de la bourgeoisie.

La bourgeoisie, souveraine maîtresse du pouvoir social, voulut avoir une littérature qui reproduisit ses idées et ses sentiments et parlât la langue qu’elle aimait : la littérature classique élaborée pour plaire à l’aristocratie, ne pouvait lui convenir. Quand on étudiera le romantisme d’une manière critique, les études faites jusqu’ici n’ayant été que des exercices de rhétorique, où l’on s’occupait de louer ou de dénigrer, au lieu d’analyser, de comparer et d’expliquer, on verra combien exactement les écrivains romantiques satisfaisaient, par la forme et le fond, les exigences de la bourgeoisie : bien que beaucoup d’entre eux n’aient pas soupçonné le rôle qu’ils remplissaient avec tant de conscience.

Hugo, ne se distingue ni par les idées, ni par les sentiments, mais par la forme ; il en était conscient.