Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/65

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Chapitre 5


On se souviendra de la débauche d’hyperboles de la presse parisienne, qui dura dix longues journées. Déjà on commence à revenir de cette exubérance d’admiration forcée ; et l’on arrivera bientôt à considérer ces jours d’enthousiasme et d’apothéose, comme un moment de folie inexplicable.

Il serait oiseux de discuter si dans un avenir prochain les œuvres de Victor Hugo vivront dans la mémoire des hommes, comme celles de Molière et de Lafontaine en France ; de Heine et de Gœthe, en Allemagne ; de Shakespeare en Angleterre ; de Cervantès, en Espagne ; ou bien si elles dormiront d’un sommeil profond à côté des poèmes du Cavalier Marin, feuilletés avec lassitude, seulement par quelques érudits, étudiant les origines de la littérature classique. Cependant les lettrés du XVIIe siècle annonçaient que l’Adone effacerait à jamais le Roland furieux, la Divine Comédie et l’Iliade, et des foules en délire promenaient des bannières, où l’on proclamait que l’illustre Marin était « l’âme de la poésie, l’esprit des lyres, la règle des poètes... le miracle des génies... celui dont la plume glorieuse donne au poème sa vraie valeur, aux discours ses couleurs naturelles, au vers son harmonie véritable, à la prose son artifice parfait... admiré des docteurs, honoré des rois, objet des acclamations du monde, célébré par l’envie elle-même, etc., etc. ». Shakespeare mourait oublié de son siècle.