manufacturière d’Angleterre s’était mis dans la tête l’idée fixe qu’en qualité d’Anglais, tous les individus qui la composent, ont, par droit de naissance, le privilège d’être plus libres et plus indépendants que les ouvriers de n’importe quel autre pays de l’Europe. Cette idée peut avoir son utilité pour les soldats dont elle stimule la bravoure ; mais moins les ouvriers des manufactures en sont imbus, mieux cela vaut pour eux-mêmes et pour l’État. Des ouvriers ne devraient jamais se tenir pour indépendants de leurs supérieurs. Il est extrêmement dangereux d’encourager de pareils engouements dans un État commercial comme le nôtre, où peut-être les sept huitièmes de la population n’ont que peu ou pas de propriété. La cure ne sera pas complète tant que nos pauvres de l’industrie ne se résigneront pas à travailler six jours pour la même somme qu’ils gagnent maintenant en quatre. » — Ainsi, près d’un siècle avant Guizot, on prêchait ouvertement à Londres le travail comme un frein aux nobles passions de l’homme. « Plus mes peuples travailleront, moins il y aura de vices, écrivait d’Osterode, le 5 mai 1807, Napoléon. Je suis l’autorité… et je serais disposé à ordonner que le dimanche, passé l’heure des offices, les boutiques fussent ouvertes et les ouvriers rendus à leur travail. » Pour extirper la paresse et courber les sentiments de fierté et d’indépendance qu’elle engendre, l’auteur de l’Essay on trade proposait d’incarcérer les pauvres dans des maisons idéales du travail (ideal workhouses) qui deviendraient « des maisons de terreur où l’on ferait travailler 14 heures par jour, de telle sorte que, le temps des repas soustrait,
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