Page:Lafargue - Pamphlets socialistes, 1900.djvu/79

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de la terre. Quand il dé­tourne sa face d’une famille et d’une nation, elles végètent dans la misère et la douleur. La puissance du Dieu-Capital grandit à mesure que sa masse s’accroît tous les jours il conquiert de nouveaux pays tous les jours il grossit le trou­peau de salariés qui, leur vie durant, sont consacrés à augmenter sa masse.


D. - Quels sont les élus de Dieu-Capital?


R. - Les patrons, les capitalistes, les rentiers.


D. - Comment le Capital, ton Dieu, te récompense-t-il?


R. - En me donnant toujours et toujours du travail, à moi, à ma femme et à mes tout petits enfants!


D. - Est-ce là ton unique récompense?


R. - Non. Dieu nous autorise à satisfaire notre faim en savourant des yeux les appétissants étalages de viandes et de provisions que nous n’avons jamais goûtées, que nous ne goûterons jamais et dont se nourrissent les élus et les prêtres sacrés. Sa bonté nous permet de réchauffer nos membres que le froid engourdit, en regardant les chaudes fourrures et les draps épais dont se cou­vrent les élus et les prêtres sacrés. Elle nous accorde encore le délicat plaisir de réjouir nos yeux en contemplant passer en voiture sur les boulevards et les places publiques, la tribu sainte des rentiers et des capitalistes luisants, dodus, pansus, cossus, environnés d’une tourbe de valets galonnés et de courtisanes peintes et teintes. Nous nous enorgueillissons alors en songeant que si les élus jouissent des merveilles dont nous