Page:Lafargue - Pamphlets socialistes, 1900.djvu/80

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sommes privés, elles sont l’œuvre de nos mains et de nos cerveaux.


D. - Les élus sont-ils d’une autre race que toi?


R. - Les capitalistes sont pétris du même argile que les salariés; mais ils ont été choisis entre des milliers et des millions.


D. - Qu’ont-ils fait pour mériter cette élévation?


R. - Rien. Dieu prouve sa toute-puissance en déversant ses faveurs sur celui qui ne les a point gagnées.


D. - Le Capital est donc injuste?


R. - Le Capital est la justice même; mais sa justice dépasse notre faible entendement. Si le Capital était obligé d’accorder sa grâce à ceux qui la méri­tent, il ne serait point libre, sa puissance aurait des bornes. Le Capital ne peut affirmer sa toute-puissance qu’en prenant ses élus, les patrons et les capita­listes, dans le tas des incapables, des fainéants et des vauriens.


D. - Comment ton Dieu te punit-il?


R. - En me condamnant au chômage; alors je suis excommunié; on m’in­ter­dit la viande, le vin et le feu. Nous mourons de faim, ma femme et mes enfants.


D. - Quelles sont les fautes que tu dois commettre pour mériter l’excom­mu­nication du chômage?


R. - Aucune. Le bon plaisir du Capital décrète le chômage sans que notre faible intelligence puisse en saisir la raison.


D. - Quelles sont tes prières?


R. - Je ne prie point avec des paroles. Le travail est ma prière. Toute prière parlée dérangerait ma prière efficace qui est le travail, la seule prière qui