Page:Lafargue - Pamphlets socialistes, 1900.djvu/84

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la chétive raison, raillent et insultent la courtisane; ils la clouent ignominieusement au pilori de leur morale; ils la soufflettent de leurs vertus de parade, ils ameutent contre elle les colères et les indignations; elle est l’esclave du mal et la reine de la scélératesse, la meule du pressoir de l’abrutissement, elle corrompt la jeunesse en fleurs et souille les cheveux blancs de la vieillesse; elle enlève l’époux à l’épouse, elle pompe de ses lèvres altérées et insatiables l’honneur et la fortune des familles.


Ô mes sœurs! la brutale fureur et la basse envie salissent avec un fiel amer et boueux la noble image de la courtisane, et cependant, il y a bientôt dix-neuf siècles, le dernier des faux Dieux, Jésus de Nazareth, relevait de l’opprobre des hommes, Marie-Madeleine, et l’asseyait au milieu des saints et des bienheureux, dans la splendeur de son paradis.


Avant la venue du Vrai-Dieu, avant la venue du Capital, les religions qui se sont disputé la terre et les Dieux qui se sont succédé dans la tête humaine, commandaient d’emprisonner l’épouse dans le gynécée et de ne permettre qu’à l’hétaïre de mordre aux fruits de l’arbre de science et de liberté. La grande déesse de Babylone, Mylitta-Anaïtis, «l’habile enchanteresse, la séduisante prostituée», ordonnait à son peuple de fidèles de l’honorer par la prostitution. Quand Bouddha, l’HommeDieu, venait à Vesali, il allait habiter dans la mai­son de la maîtresse des prostituées sacrées, devant qui se rangeaient les prêtres et les magistrats revêtus de leurs costumes de cérémonie, Jéhovah, le Dieu