Page:Lafargue - Pamphlets socialistes, 1900.djvu/85

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sinistre, logeait dans son temple les courtisanes[1].


Éclairés par la foi, les hommes des sociétés primitives déifiaient la courti­sane; elle symbolisait la force de l’éternelle nature qui crée et qui détruit.


Les pères de l’Église catholique, qui pendant des siècles amusa de ses lé­gendes l’enfant-humanité, cherchaient l’inspiration divine dans la compagnie des prostituées. Quand le pape réunissait en concile ses prêtres et ses évêques pour discuter un dogme de la foi, guidées par le doigt de Dieu, les courtisans de toute la chrétienté accouraient; elles apportaient dans leurs jupes le Saint-Esprit; elles éclairaient l’intelligence des Docteurs. Le Dieu des chrétiens arma du pouvoir de faire et de défaire les Papes infaillibles, Théodora, l’impériale catin.


Le Capital, notre Seigneur, assigne à la courtisane une place encore plus élevée: ce n’est plus à des papes aux chefs branlants qu’elle commande, mais à des milliers d’ouvriers jeunes et vigoureux, maîtres de tous les arts et de tous les métiers: ils tissent, brodent, cousent, travaillent le bois, le fer et les mé­taux précieux, taillent les diamants, rapportent du fond des mers le

  1. Le légat du pape fait allusion à ce verset de l’Ancien Testament: «Il [Josiah] démolit les maisons des Sodomites qui étaient dans le temple de l’Éternel et dans lesquelles les prostituées tissaient des tentes.» (II, Rois, chap. XXIII, v. 7.) Dans le temple de Mylitta, les courtisanes de Babylone avaient de semblables chapelles où elles exerçaient leur saint ministère.