Page:Lafargue - Pamphlets socialistes, 1900.djvu/95

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Capital apporte au monde une morale nouvelle; il proclame le dogme de la Liberté humaine: sachez que l’on n’ob­tient la liberté qu’en conquérant le droit de se vendre. Libérez-vous de l’escla­vage conjugal, en vous vendant.


Dans la société capitaliste, il n’est pas de travail plus honorable que celui de la courtisane. Tenez, regardez le travail de l’ouvrière et contemplez ensuite celui de la courtisane. A la fin de sa longue et monotone journée, l’ouvrière méprisée, pâlie et courbatue, ne tient dans sa main amaigrie que le modique salaire qui l’empêche de mourir de faim. La courtisane, joyeuse comme un jeune dieu, se lève de son lit ou de son canapé et, secouant sa chevelure par­fumée, elle compte négligemment des louis d’or et des billets de banque. Son travail ne laisse sur son corps ni fatigue, ni souillure; elle rince sa bouche et s’essuie les lèvres et dit en souriant: à un autre!


Philosophes ruminants, qui sans relâche mâchez et remâchez les préceptes surannés de l’antique morale, dites-nous donc quelle besogne est plus agréable à notre Dieu-Capital, celle de l’ouvrière ou celle de la courtisane?


Le Capital marque son estime pour une marchandise, par le prix auquel il permet qu’elle se vende. Allons, moralistes cafards, trouvez donc dans l’in­nom­brable série des occupations humaines, un travail de la main ou de l’intel­ligence, qui reçoive un salaire aussi rémunérateur que celui du sexe? La science du savant, le courage du soldat, le génie de l’écrivain, l’habileté de